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Le prêt de main d’œuvre illicite : qu’est-ce que c’est ?

Mis à jour le 28 November 2023
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La fourniture de main-d’œuvre est une pratique de plus en plus prisée des entreprises. Le développement des groupes de sociétés mais aussi le boom d’un nouveau mode de travail sont à l’origine de cette croissante extériorisation de l’emploi. L’objectif est simple : trouver une compétence extérieure qui n’existe pas en interne, afin de réaliser une tâche précise nécessitant une technicité particulière.

Le prêt de main d’œuvre illicite : qu’est-ce que c’est ?

Dans ce contexte, la force de travail du ou des salariés va bénéficier à un autre employeur. Si l’idée est séduisante, la loi encadre strictement cette extériorisation de l’emploi. En effet le Code du travail et le Code pénal prévoient deux infractions susceptibles d’être commises dans le cadre d’une fourniture de main-d’œuvre : le délit de marchandage et le délit de prêt de main-d’œuvre illicite.

Les deux notions sont voisines mais sont définies distinctement dans les textes. Nous nous focaliserons dans cet article sur la délimitation du délit de prêt de main-d’œuvre illicite afin d’éviter la commission de cette infraction parfois difficilement identifiable.

Que dit la loi sur le prêt de main-d’œuvre illicite ?

L’article L 8241-1 du Code du travail définit le prêt de main-d’œuvre illicite comme “ Toute opération à but lucratif ayant pour objet exclusif le prêt de main-d’œuvre est interdite.

Ainsi, le prêt de main-d’œuvre est considéré comme illicite dès lors que la mise à disposition du personnel est réalisée dans un but lucratif, c’est-à-dire générant une contrepartie financière.

Par exception, la loi prévoit des activités spécifiques au sein desquelles le prêt de main-d’œuvre est licite et ce, même si l’objectif poursuivi est financier.

Les entreprises suivantes sont donc autorisées à faire des opérations de prêt de main-d’œuvre à but lucratif :

  • entreprises de travail temporaire ;
  • entreprises temps partagé ;
  • agence de mannequins exploitée par une personne titulaire de la licence ;
  • associations ou sociétés sportives ;
  • mise à disposition de salariés auprès des syndicats de salariés ou auprès des associations d’employeurs.
    entreprises de portage salarial

Au delà de ces exceptions prévues par la loi, le prêt de main-d’œuvre est interdit lorsque 3 critères précis sont réunis :

  • Il y a prêt de main-d’œuvre
  • le contrat porte uniquement sur ce prêt de main-d’œuvre (il est l’objet exclusif du contrat)
  • le but est un gain financier (but lucratif)

La connexion avec le délit de marchandage et la similitude des sanctions

Le prêt de main-d’œuvre illicite est très souvent assimilé au délit de marchandage. Les deux infractions sont toutefois distinctes car leurs éléments constitutifs ne sont pas exactement similaires.

En effet, l’article L8231-1 du Code du travail définit le délit de marchandage comme “Toute opération à but lucratif de fourniture de main-d’œuvre qui a pour effet de causer un préjudice au salarié qu’elle concerne ou d’éluder l’application de dispositions légales ou de stipulations d’une convention ou d’un accord collectif de travail, est interdit.

Le délit de marchandage se distingue du prêt de main-d’œuvre illicite en ce que l’infraction n’est pas exclusivement constituée par la fourniture de main-d’œuvre puisque s’ajoute le préjudice causé au salarié et l’intention de contourner la loi.

La commission du prêt de main-d’œuvre illicite entraîne donc la constitution du délit de marchandage (article L8231-1 du Code du travail). Par ailleurs leurs diverses sanctions sont similaires :

  • 2 ans de prison et 30 000 € d’amende (article L8234-1 du Code du travail).
  • Amende pouvant être portée à 5 ans de prison et à 75 000 € d’amende.

Les deux infractions se rejoignent dans une prohibition unique qui est en résumé : le prêt de main-d’œuvre à but lucratif.

Que dit la jurisprudence sur le prêt de main-d’œuvre illicite ?

La jurisprudence nous révèle comment le juge vérifie la licéité d’un prêt de main-d’œuvre.
Depuis 1985, la Cour de cassation rappelle que la qualification du prêt de main d’œuvre requiert le rassemblement de plusieurs éléments (Cass. crim., 29 oct. 1985). C’est pourquoi le juge utilise la méthode du faisceau d’indices en se focalisant sur les 4 éléments suivants :

  • l’objet du contrat
  • l’origine de la fourniture du matériel de travail
  • l’identification du pouvoir de direction
  • la rémunération

L’objet du contrat

La prestation de main-d’œuvre est autorisée si elle est accompagnée d’une autre prestation. Par conséquent, les juges vérifieront quelle est la nature de la tâche à accomplir. Cela signifie que si une entreprise a recours à une autre entreprise alors qu’elle dispose des moyens d’accomplir la tâche elle-même, le prêt de main-d’œuvre est très certainement illicite.

A titre d’exemple, la mise à disposition d’hôtesses d’accueil pour des salons, n’étant accompagnée d’aucune prestation de la société prêteuse est constitutif de prêt de main d’œuvre illicite (Cass. crim., 28 janv. 1997, no 96-80.727).

L’origine de la fourniture du matériel de travail

L’utilisation d’un matériel propre à l’entreprise prêteuse est un indice évident d’un prêt de main-d’œuvre licite.
Par exemple, la fourniture à un client d’un véhicule avec chauffeur constitue une prestation de services parfaitement licite et non pas un prêt de main-d’œuvre prohibé (CA Metz, 11 avr. 1989).

En revanche, le fait de travailler avec le matériel et les matériaux du donneur d’ordre est révélateur de prêt de main-d’œuvre illicite et non d’une prestation de services (Cass. crim., 25 avr. 1989, no 88-84.255).

L’identification du pouvoir de direction

Le prêt de main-d’œuvre est qualifié d’illicite dès lors qu’est constaté un transfert du lien de subordination entre l’entreprise prêteuse et l’entreprise utilisatrice (Cass. crim., 25 avr. 1989, no 87-81.212).

En effet, le pouvoir de direction doit être maintenue dans l’entreprise initiale prêteuse car le prestataire doit conserver l’autorité sur son personnel et exercer un contrôle sur la réalisation du travail (Cass. crim., 21 janv. 1986, no 84-95.529).

La rémunération

Le mode de rémunération est très important pour échapper à l’infraction du prêt de main d’œuvre illicite. Lorsque le prix de la prestation est basé sur un taux horaire, le juge considère que les doutes sont suffisants pour caractériser l’infraction du prêt de main-d’œuvre illicite, puisque cela suppose que seule une fourniture de main d’œuvre est rémunérée (Cass crim 25 avril 1989, n° 88-84.222 et Cass crim 16 mai 2000, n° 99-85.485).
La solution est donc de rémunérer forfaitairement le service rendu.

Le prêt de main-d’œuvre illicite et le délit de marchandage se retrouvent sur une définition commune qui est le prêt de main-d’œuvre à but lucratif.

Afin d’échapper à tout risque, l’entreprise prêteuse doit veiller à ce que le besoin de compétence spécifique soit bien réel et qu’elle fournisse le matériel nécessaire à la réalisation du service tout en conservant un pouvoir de contrôle sur les salariés prêtés. Enfin, la vigilance est de mise quant au mode de rémunération qui sera forfaitaire par opposition à une rémunération horaire.

Rappelons que les risques de commission de l’infraction sont totalement anéantis lorsqu’une entreprise a recours à une entreprise de portage salarial puisque cette dernière est autorisée par la loi à la mise à disposition de salariés, dont la licéité est reconnue dans tous les cas.

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